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Instagram a fait naître le concept d' "influenceurs", des "créateurs de contenus" qui utilisent leur notoriété pour monnayer leurs diverses activités, à travers le partage de photos et de "stories". Onlyfans, lui, fait de ce concept la clef même de sa plateforme : le client achète directement le service proposé par le créateur, cela dans différents domaines. Des domaines s'étalant de la tartiflette à l'érection, en passant par les squats. Et c'est dans cette énumération, que la presse s'est enflammée en apprenant qu'OnlyFans est une plateforme qui laissait également les Travailleurs ou Travailleuses du sexe exercer, et qui ne censurait pas une image avec la présence d'un téton féminin . Tout cela en omettant de rappeler qu'il n'y pas uniquement des contenus à caractère sexuel. Mais bon, chacun voit ce qu'il veut y voir.
Le réseau social de l'influence monnayée
En 2016, l'entreprise Fenix International Limited, crée "un site d'abonnement qui permet aux créateurs de contenu de monétiser leur influence" sous le nom donc de : OnlyFans. Au contraire, des autres réseaux sociaux, celui-ci nécessite un abonnement allant de 4,99 dollars à 49,99 dollars par mois pour accéder aux différentes publications. Dessus, "la plateforme prélève 20% de la vente des contenus sur son site" Même si le caractère payant du site peut en repousser certains, il crée une exclusivité entre le client et l'influenceur, absente sur Instagram par exemple, où une ribambelle d'individus font, ce qu'on appelle, sous l’anglicisme, le : "dropshipping", ou bien en français : "livraison directe". Sans compter les montagnes de publications avec la mention "partenariat rémunéré" et tous les partenariats non indiqués. OnlyFans protège ainsi dans sa sorte de cocon, l'authenticité de contenus, en informant clairement que le client paie pour cette publication, créant de cette manière un lien "privilégié" avec son/sa créatrice de contenus, ce que s'efforce de faire les "influenceurs".
Ainsi, la popularité de la plateforme monte en flèche, atteignant 150 000 nouveaux usagers tous les jours en mars 2020, selon Forbes. Se plaçant plus ou moins dans la même lignée qu'Instagram, OnlyFans suscite des avis divergents. Certains pensent qu'"OnlyFans est une bonne chose car elle représente des personnes réelles, plutôt que des standards de beauté invraisemblables."(d'après les termes de Pinknews). D'autres voient d'un mauvais œil la libre circulation des contenus sexuels, surtout sur un site accessible aux mineurs. Argument pas très valable, lorsque nous savons qu'autant sur Snapchat (réseau principalement utilisé par les jeunes) que sur Google ou que sur Instagram (500 millions d'utilisateurs se connectent chaque jour dans le monde, selon Oberlo), les publications à caractère sexuel sont monnaie courante. Et puis, après tout, quel problème y-a-t-il à ce qu'un jeune consulte des sites avec de la pornographie ?
OnlyFans : l'eldorado de la musculation, des gâteaux et du scrabble
Rémunérer et être au plus proche du créateur de contenus, sont les objectifs clés donc de cette plate-forme. Mais aussi pour eux, se faire un maximum d'argent. Ainsi, il y a un avant et un après Bella Thorne. Après qu'elle ait fait payer 200 dollars une photo d'elle nue (où elle était uniquement semie-nue), elle a engrangé 1 million de dollars en une journée, et est parvenue à faire baisser le plafond des rémunérations : un message privé à 100 dollars au lieu de 200 dollars, les messages à la carte pour les comptes sans abonnement sont passés de 200 dollars à 50 dollars maximum. Les Travailleurs/ Travailleuses du Sexe (TDS) ont de cette manière vu leurs conditions de travail bouleversées par les revenus devenus trop faibles, mais elles font surtout face à une perte de confiance des clients, qui à la suite de cette arnaque, sont davantage méfiants et deviennent plus exigeants. "Ces comportement très problématiques à base d'arnaque donnent une image affreuse à l'industrie", explique une TDS. Une laide image de plus dans la galerie de la mauvaise réputation des TDS qui se voient, aussi bien dans la rue, que sur le net, collés des étiquettes diffamatoires, des clichés nuisant à l'épanouissement de leur profession extrêmement utile dans nos sociétés. Diane Armoiz, une TDS, demande que la plateforme sanctionne directement ces créateurs qui arnaquent les clients : "la communauté entière n'a pas à souffrir des conséquences d'une personne mal intentionnée" . Et puis si en même temps, OnlyFans pouvait mentionner ces contenus pornographiques qui constituent la majorité de ses contenus et ne pas uniquement évoquer les cours de yoga, de cuisine orientale, les TDS seront ravis et rassurés. Car si la plateforme, qui souhaite s'ouvrir à un "grand public", parvient à fonctionner correctement sans les TDS, ces derniers et dernières pourraient éventuellement subir la censure également sur ce réseau social.
Malgré cette possibilité quelque peu effrayante, "OnlyFans a également permis aux performateurs de l'industrie du sexe d'envisager un autre modèle : ils choisissent ce qu'ils veulent faire ou ne pas faire, contrôlent les vidéos diffusées, et sont rémunérés directement par les spectateurs", analyse Business Insider. Certaines y voient une "démarche féministe" : reprendre le contrôle sur les possibilités de leurs corps. Toutefois, cet "autre modèle" permet aux étudiants de voir dans la prostitution un moyen de "gagner de l'argent facilement" grâce aux abonnements et aux pourboires, et éventuellement d'embellir et d'adoucir la représentation de l'univers prostitutionnel. Mais il permet également, pour les TDS professionnels, "de se détourner des studios de productions X et de gagner en indépendance", explique Brut. Car dans cette industrie du sexe, il est courant que les productions retirent toutes possibilités d'appropriation du corps à l'actrice ou à l'acteur (même si cela arrive plus souvent à l'actrice qui est soumise durant l'acte sexuel au pouvoir du sexe masculin). On arrive donc dans des films X avec des scènes volées à l'actrice qui n'était pas au courant ou qui ne voulait par faire tel ou tel acte. Pour Nikita Bellucci, ancienne actrice pornographique professionnelle maintenant présente sur OnlyFans, il est question d'une réappropriation de la propriété corporelle ("je garde les droits sur les images", "C'est pas parce que la personne paye que je suis à sa disposition, bien au contraire") et l'établissement d'une relation respectueuse ("Maintenant, forcément, quand la personne paye, il y a une sorte de respect. La personne ne va pas payer pour venir nous insulter").
"C'est une nouvelle phase de l'industrie du genre porno qui ne cesse de se transformer pour échapper à une certaine crise de l'industrie" SLATE
En envisageant un "autre modèle", OnlyFans fait émerger de nouvelles "stars". Selon Slate : "C'est une nouvelle phase de l'évolution du genre porno qui ne cesse de se transformer pour échapper à une certaine crise de l'industrie". Ainsi, avec le papy industriel qui se gâte et s'use dans son coin par ses propres fautes, les anciens TDS et ceux de la nouvelle génération voguent davantage sur une méthode de prostitution plus ouverte, plus libre, qui offre plus d'argent, plus rapidement, tout en préservant l'intégrité psychologique et corporelle de ces derniers. Dans cette nouvelle jeunesse, nous pouvons nommer Jenna Phillips, ancienne opticienne convertie en actrice, spécialisée chienne érotique. Elle raconte : "J'ai toujours imité un chiot, mais jamais de manière sexuelle. Je prétendais être un chiot pendant que je grandissais. En regardant en arrière maintenant, je remarque que ça avait plus ou moins toujours être là. Je ne savais simplement pas qu'il y avait un public, je pensais seulement que c'était ma personnalité". Actuellement, elle a gagné environ 215 000 abonnés sur TikTok et réussi à gagner à peu près 10 000 dollars par mois. Max Konnor est aussi une nouvelle personnalité dans le monde du porno homosexuel : "Cet acteur noir poste tous les mations des photos de ses érections ("Good Morning!") et presque tous les jours il publie une séance de baise, en plus de ses collaborations avec des studios établis", raconte le site Slate.
C'est en ceci qu'OnlyFans gagne sans cesse en popularité, par son ouverture (cachée) à l'univers pornographique dans "un contexte où les contenus de nature sexuelle sont de plus en plus censurés par les grands réseaux sociaux et où Visa et MasterCard mettent la pression sur tous les sites touchant de près ou de loin au porno, forçant les professionnelles du sexe en ligne à se rabattre sur les rares plateformes qui acceptent encore de les accueillir", toujours d'après Slate. Mais également parce quelle offre une nouvelle approche, une nouvelle vision de la prostitution et de la sexualité, à l'heure où les poupées gonflables et les sites X gonflent leurs rangs avec la venue de la génération Z. Elle continue dans la lignées des réseaux sociaux à proposer une alternative aux TDS, lesquels ont vu leurs conditions de travail traditionnels se dégrader considérablement, et à permettre un nouveau souffle dans la sexualité de la jeunesse. Celle-ci fait face, paradoxalement, à une explosion des contenus à caractère sexuels, à la "libération" de la parole sur le sexe et en même temps à une apogée des violences sexuelles. Nous nous retrouvons donc à côtoyer chaque jours des dessins de pénis, des tags ("N*que ta mère", "Je te ba*se", "Sale p*te") dans l'espace public qui explicitement témoignent d'une libération du langage vulgaire sexuel et d'une pulsion consciente ou inconsciente de sexe. Or, alors même que nous cohabitons avec ses expressions artistiques de pulsions sexuelles, le gouvernement et une partie de la population pousse dans la précarité et l'illégalité ceux et celles qui sont en partie la solution de la satiété pulsionnelle et plus ou moins directement de la diminution des violences sexuelles.
Crédits photos : Business Insider France, Lawnn
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